Comme un ange déchu, Sandro Joseph, l'ex-patron de l'ONA, a été "expédié" au pénitencier national par le juge d'instruction Yves Altidor, pour « blanchiment d'argent provenant de détournement de fonds de l'ONA». Retour sur cette saga à rebondissements.
Sur les marches de l'annexe du cabinet d'instruction, rue Lamarre, jeudi 19 mars 2009, des agents de l'administration pénitentiaire nationale sont aux aguets. Une poignée de minutes après 3 heures, ils s'activent. Direction : une fourgonnette bleue garée juste en face. L'adrénaline monte.
Ces agents, avec un certain succès, contiennent des journalistes qui tentent désespérément d'arracher un commentaire, un mot, une réaction de l'ex-patron de l'ONA, Sandro Joseph. L'air hagard, comme si le ciel lui était tombé sur la tête, l'ex-journaliste, menottes au poignet, ne pipe mot. Des cris de femmes retentissent. Des hommes rouspestent. Quelques diatribes fusent contre l'ex-ministre des Affaires sociales Gérald Germain et l'ancien commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Claudy Gassant.
L'émotion est à son comble. Alors que Sandro Joseph est littéralement poussé vers le fond du véhicule, une soeur du prévenu s'évanouit. La fourgonnette conduisant Sandro Joseph à la prison civile de Port-au-Prince, loin du confort de sa maison, démarre en trombe. Le visage fermé, l'un des avocats de Sandro Joseph, Me Annibal Coffy, annonce les couleurs.
« Je vais réagir, produire un argumentaire pour combattre le mandat de dépôt afin que d'ici quarante huit heures, mon client recouvre sa liberté, soutient le juriste. Sandro Joseph n'a jamais quitté Port-au-Prince. Et de fait, on l'a arrêté chez lui, voilà pourquoi je ne comprends pas pourquoi le juge l'a mis en dépôt parce qu'il n'avait pas répondu à la dernière invitation. Ses avocats sont connus», soutient-il reconnaissant toutefois les prérogatives du juge instructeur de placer quelqu'un en détention provisoire.
« Sandro Joseph a été arrêté parce qu'on a trouvé des indices concordants dans le dossier. C'est tout simplement ça », révèle, calme et impassible, le juge d'instruction Yves Altidor. Je ne peux pas révéler les indices pour le moment car il y a d'autres personnes qui devront être convoquées », poursuit-il, confiant que Sandro Joseph est épinglé pour « blanchiment d'argent provenant de détournement de fonds de l'ONA ».
Pas un mot de plus. Rien sur la première convocation du 30 octobre 2008 de M. Joseph, incriminé, par l'ULLC, pour violation de la loi du 21 février 2001 sur le blanchiment d'argent en rapport avec l'acquisition, pour sa concubine, Judith Drouillard Benoît, d'une Suziki Grand Vitara bleu Kashmir 2007, AA- 03568 au prix de 27 384,08 dollars us. Une première convocation au terme de laquelle Sandro Joseph avait confié que Yves Altidor est un juge correct. « On est en présence d'un juge qui respecte les garanties judiciaires », avait renchéri Aviol Fleurant, l'un de ses avocats.
Des supporteurs de Sandro Joseph avaient également indiqué que « si ce dernier s'était comporté comme un directeur de l'ONA ordinaire, il ne se serait jamais trouvé là. Il a affaire avec des bras puissants du patronat, ce secteur privé qui ne donne pas de crédit aux paysans, aux gens de conditions modestes. Sandro, clamaient-ils, avait effectivement exprimé le désir que l'ONA favorise l'inclusion sociale en cherchant à intégrer le maximum de travailleurs du secteur formel et informel dans le système de sécurité sociale ».
Entre-temps, Sandro Joseph et ses démêlées avec la justice propulsent l'ONA et ses failles, ses faiblesses administratives sous les feus de la rampe. Depuis fin 2008, M Jean Alix Boyer, le nouveau directeur général de l'ONA avait promis de se mettre en quatre pour que cette administration renoue avec des pratiques saines de gestion pour que 10% des recettes couvrent les frais de fonctionnement. Ce qui, à terme, devra permettre de sortir de l'engrenage des dépenses incontrôlées.
Selon M. Boyer, transfuge du ministère des Affaires Sociales, le Conseil d'administration des organes de sécurité sociale (CAOSS),une soupape de sécurité, est l'un des leviers de la nouvelle orientation dans la gestion de l'ONA. Cette entité a pour mission de définir les grandes orientations de l'ONA, de l' OFATMA. Le conseil est un instrument de bonne gestion, avait-il expliqué, professoralement.
« Si je n'étais pas sûr que cette structure allait être opérationnelle, je n'aurais pas accepté le poste », avait confié Jean Alix Boyer avec une pointe de détermination. Conscient que l'ONA, dans l'opinion, est perçu comme une vache à lait, alors que des « experts indépendants » estiment le déficit cumulé de cette institution à quelque 2, 5 milliards de gourdes depuis sa création en 1967.
Selon M Boyer, un arrêté présidentiel nommant les membres du CAOSS sera bientôt signé par le président de la République. MM. Daniel Altimé, Louis Pierre-Joseph, Gally Amazan, René Prévil Joseph, Jean Claude Lebrun, Gérard Etienne, Maurice Lafortune, entre autres, représentants du patronat, des syndicats, des assurés devront intégrer cette entité, avait-il ajouté. Où est le (CAOSS) ? Est-ce qu'on a déjà entamé l'audit de l'ère Sandro ? Entre-temps, seule certitude, c'est que l'ex-journaliste, bon vivant selon ses proches, passera sa première nuit au pénitencier pour « blanchiment d'argent provenant de détournement de fonds de l'ONA ».
Combien d'argent ? Qui sont ses complices ? Comment a-t-il pu détourner des fonds de l'ONA alors que, selon des sources dignes de foi, la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif, à travers ses représentants travaillant à l'ONA, effectuent des contrôles a priori sur les dépenses effectuées par chèque bancaire ? Qu'en est-t-il des modalités sur lesquelles d'importants prêts ont été octroyés à des parlementaires ? Question. Question ...
Par Roberson Alphonse (Le Nouvelliste 19 mars 2009)
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