vendredi 20 mars 2009

HAITI / SYSTÈME JUDICIAIRE / DÉBAT

Comment parvenir à une véritable réforme de la Justice ?

C’est l’unique interrogation qui a nourri un grand débat sur la Justice et la Sécurité publique, le samedi 14 mars, à l’auditorium de l’Université Quisqueya. « Mande pou ki lé refòm la jistis la ? », lit-on dans une banderole placée pour la circonstance à l’entrée de l’Université Quisqueya.

Initiative de l’Observatoire citoyen de l’action des pouvoirs publics et parapublics (Ocapp), ce débat , qui n’a pas pourtant fait salle comble, a eu comme panélistes : le député Arsène Dieujuste, le sénateur Youry Latortue, le secrétaire d’État à la réforme judiciaire, Me Daniel Jean, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Me Jean Joseph Exumé, le secrétaire d’État à la Sécurité publique, Luc Eucher Joseph, le directeur général de la Police nationale d’Haïti (PNH), Mario Andrésol, et Me Gérard Gourgue qui prenait la parole à titre de représentant de la société civile.

Bénéficiant de la coopération de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), le débat, déroulé dans une ambiance de convivialité, a été retransmis en direct par divers médias de la capitale, dont les Télévision nationale et la Radio nationale.

C’est le premier d’une série de débats, a-t-on indiqué, entrepris dans le cadre d’un programme élaboré par l’Observatoire citoyen de l’action des pouvoirs publics et parapublics, visant à discuter, réfléchir sur des problèmes sociaux et politiques et à faire des recommandations pertinentes. Dans leur série de débats, les responsables de l’Observatoire entendent mettre l’accent notamment sur la lutte contre la violence faite aux femmes, la corruption, mais aussi développer un plaidoyer pour la réforme judiciaire, la décentralisation et la participation politique sans distinction aucune des citoyens.

Le débat du samedi, malheureusement non interactif, a permis aux autorités locales de réfléchir en profondeur sur des problèmes cruciaux liés à la Justice haïtienne. Il s’agissait justement, pour les intervenants, de poser les problèmes fondamentaux du système judiciaire et de plaider pour une véritable réforme de la Justice, objectif prôné depuis plus de 20 ans dans le pays.

Inciter la participation des citoyens

Conduit par un trio de modérateurs composé du professeur Michel Soukar, de Me Dilia Lemaire et du citoyen Romel Pierre, le débat a eu également pour objectif de chercher, dans une vision commune, les moyens d’encourager la participation réelle des citoyens dans les affaires judiciaires, afin de parvenir à une distribution de justice plus plus équitable dans le pays.Le ministre Jean Joseph Exumé a présenté la feuille de route du ministère de la Justice et de la Sécurité publique, laquelle, a-t-il dit, s’inscrit en droite ligne dans le Document de stratégie nationale pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSNCRP). Le ministre a fait état d’une kyrielle de problèmes relevés dans le secteur judiciaire et susceptibles de rendre de plus en plus compliquées les démarches visant à aboutir à la réforme judiciaire.

Un long processus …

Les panélistes ont tous conclu que les problèmes de justice en Haïti sont très nombreux. Cependant, ont-ils soutenu, la cause de la persistance de certains de ces problèmes réside particulièrement dans la non recherche de leur solution.

Au cours des interventions, l’accent a été surtout mis sur des dilemmes relatifs aux enveloppes budgétaires souvent inadéquates pour favoriser le fonctionnement plein et entier de la Justice, les problèmes de l’État civil presque inexistant dans le pays, le dysfonctionnement de la chaîne pénale, mais aussi et particulièrement sur la question de la surpopulation carcérale, résultante du taux élevé de détention préventive prolongée et du dysfonctionnement des tribunaux.

Présentant la situation actuelle de la justice et de la sécurité publique dans le pays, le ministre de la Justice a indiqué que le secteur est également caractérisé par la vétusté et l’inadéquation de la majorité des bâtiments logeant les tribunaux, les parquets, les commissariats de police, les centres pénitenciers, mais aussi le bâtiment logeant l’administration centrale du ministère. Le ministre Joseph a aussi fait part de l’insuffisance de ressources humaines qualifiées, notamment de cadres au niveau de la Police nationale et de la magistrature.

Il y a également, a-t-il souligné, l’inadéquation de la plupart des textes de loi, particulièrement du Code d’instruction criminelle, à un moment où les techniques modernes de communication font reculer les frontières. Tout comme Me Gérard Gourgue, le ministre Jean Joseph Exumé a dit croire que le processus de la réforme judiciaire prendra encore longtemps avant de parvenir aux résultats escomptés. Le ministre Exumé, n’a pas manqué de déplorer le manque de moyens auquel font toujours face les institutions publiques haïtiennes.

Ce qui constitue un handicap majeur au fonctionnement des institutions d’État et réduit ainsi les marges de manœuvre et le champ d’action des responsables. Un constat partagé par les secrétaires d’État, Luc Eucher Joseph et Daniel Jean. De l’avis de Me Gérard Gourgue, le problème n’est pas seulement budgétaire, il demeure aussi dans « un manque de volonté lié à une incurable instabilité politique, naufragée par une régulière situation de corruption à tous les niveaux dans le pays ».

Des multiples solutions à apporter aux problèmes identifiés dans le système judiciaire, des responsables ont convenu qu’il faut renforcer la capacité du ministère de la Justice et de la Sécurité publique afin d’améliorer le niveau de services fournis à la population en matière de justice, de sécurité et de respect des droits fondamentaux de la personne humaine.

Par Alix Laroche, Le Matin lundi 16 mars 2009

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