jeudi 26 mars 2009

ONA / SCANDALE DE CORRUPTION

Sénateurs, députés, ministres et particuliers, tous autant qu’ils sont …présumés complices !

Incarcéré depuis le jeudi 19 mars au Pénitencier national pour blanchiment d’argent détourné à l’Office national d’assurancevieillesse (Ona), Sandro Joseph est loin d’être le seul qui doit être poursuivi dans le cadre de cette affaire. Dans un rapport publié en janvier 2009, l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) demande en effet à poursuivre pour concussion quarante-neuf députés, cinq sénateurs et deux maires.

L’ULCC réclame également que l’ancien ministre des Affaires sociales, Gérald Germain soit traduit par-devant la Haute Cour de justice.L’enquête de l’Unité de lutte contre la corruption qui a duré près de huit mois ( 4 juin 2007 – 21 février 2008) portait sur, premièrement, l’ingérence « du ministre Gérald Germain dans des affaires incompatibles avec sa qualité : il aurait exercé des pressions sur le directeur général de l’Ona pour le porter à des placements de valeurs à la Société haïtienne d’épargne et de crédit (Shec) ». Deuxièmement, le financement par Sandro Joseph de restaurants communautaires et de cantines populaires.

Troisièmement, sur une allocation de trente-neuf millions de gourdes aux activités carnavalesques de février 2007. Et, finalement, sur l’acquisition de quinze carreaux de terre dans la commune de Tabarre pour cinquante-six millions de gourdes. Sur le premier fait, les enquêteurs de l’ULCC ont conclu que « le reproche d’ingérence dans des affaires incompatibles avec sa qualité du ministre Gérald Germain n’est pas fondé ».

Concernant le deuxième fait, l’enquête de l’ULCC révèle qu’au lieu de trente-neuf millions de gourdes, l’ancien directeur de l’Ona a distribué, pour les festivités carnavalesques de 2007, quarantesix millions cent quatre-vingt-seize mille trois cent quatre-vingt-dixsept gourdes à vingt particuliers, quinze entreprises commerciales, cinquante groupes musicaux, quinze organisations, vingt-deux organes de presse, deux ministères, deux maires, quarante-neuf députés et cinq sénateurs. À partir de diverses entrevues, dont une avec le ministre Gérald Germain, il est écrit dans le rapport : « Il s’agit d’un cas de détournement de fonds au détriment de l’Ona et au profit de tiers par le directeur général Sandro Joseph avec l’approbation de son ministre de tutelle Gérald Germain. Ils sont solidairement et conjointement responsables du montant des fonds détournés ».

Quant aux sénateurs, députés et maires, les articles 1er de la Convention interaméricaine contre la corruption et 135 du Code pénal traitent de leurs cas. Selon l’article 1er de la Convention interaméricaine contre la corruption, les termes « fonctionnaire », «officiel gouvernemental » ou «serviteur public » désignent tout fonctionnaire ou employé d’un État ou de ses entités, y compris ceux qui ont été choisis, désignés ou élus pour mener des activités ou exercer des fonctions au nom de l’État au service de l’État, à tous les échelons hiérarchiques ».

Et l’article 135 du Code pénal stipule : « Tous fonctionnaires, tous officiers publics, leurs commis ou préposés, tous percepteurs des droits, taxes, contributions, deniers, revenus publics ou communaux, et leurs commis ou préposés qui se seront rendus coupables de crime de concussion, en ordonnant de percevoir ou en exigeant ou recevant ce qu’ils savaient n’être pas dû, ou excéder ce qui était dû pour droits, taxes, contributions, deniers ou revenus, ou pour salaires ou traitements, seront punis, savoir : les fonctionnaires ou les officiers publics, de la réclusion ; et leurs commis ou préposés, d’un emprisonnement d’un an au moins et de trois ans au plus. Les coupables seront, de plus, condamnés à une amende dont le maximum sera le quart des restitutions et des dommages intérêts, et le minimum le douzième. »

Pour la période allant du 29 novembre au 26 décembre 2006, l’Ona a décaissé, à titre de subvention, quatorze millions cent mille gourdes destinées pour l’implantation de restaurants communautaires et de cantines populaires dans les quartiers défavorisés de Port-auPrince et dans les villes des Gonaïves, Cap-Haïtien et des Cayes. Durant leur enquête, les enquêteurs de l’ULCC ont visité trois des huit restaurants communautaires et huit des trente-deux des cantines populaires qui devaient être installés.

Ils ont constaté que seulement deux fonctionnaient normalement. À ce sujet, il est écrit dans le rapport : « Concernant les quatorze millions cent mille gourdes accordées par le directeur général de l’Ona au ministère des Affaires sociales et du Travail pour la subvention des restaurants et des cantines populaires, il s’agit purement et simplement d’un fait de détournement de fonds au détriment de l’Ona réalisé conjointement par ce dernier et son ministre de tutelle. »

Le gros lot de l’affaire concerne le décaissement par Sandro Joseph, le 27 décembre 2006, et en dépit de la désapprobation de son ministre de tutelle, de soixante-et-un millions cent quarante-quatre mille quatre cent quarante-sept gourdes et cinquante centimes pour l’achat de quinze carreaux de terre à Tabarre, qui ne rentrent pas dans le patrimoine de l’Ona.

Les documents annexés au rapport démontrent que ce terrain fait l’objet d’un litige entre les vendeurs, Cleone Robin et Wilmine Desgramond, représentés par Jonas Nozière et Olibert Pierre, et la firme Transact S.A., représentée par son gestionnaire, Edouard Baussan. Un arrêt de la Cour de cassation a été rendu en faveur de ce dernier le 6 janvier 1996.

Autres anomalies relevées, l’opération d’arpentage a été réalisée huit jours après le versement de l’argent et par un arpenteur de la juridiction de l’Arcahaie, Pierre Marcelin Jean Philippe. L’enquête a également constaté que le procès-verbal d’arpentage utilisé par les vendeurs et le notaire de la commune de l’Arcahaie, Pierre Hermann Rémédor, pour effectuer la transaction « est entaché de faux ».

Au constat de tous ces faits « délictueux », l’ULCC recommande « que le directeur général de l’Ona, Sandro Joseph, l’arpenteur de la commune de l’Arcahaie, Pierre Marcelin Jean Philippe, le notaire de la commune de l’Arcahaie, Pierre Hermann Rémédor, les nommés Jonas Nozière et Olibert Pierre, et leurs mandantes, dames Cléone Robin et Wilmine Desgramond, soient poursuivis pour faux et usage de faux, ce, conformément aux dispositions des articles 108 et 110 du Code pénal ».

En plus des poursuites pénales, le rapport de l’ULCC recommande, entre autres, à la Direction générale des impôts (DGI) de saisir la Cour supérieure des comptes et du Contentieux administratif (CSCCA) du dossier , afin que Sandro Joseph restitue les quarante-six millions cent quatre-vingt-seize mille trois cent quatre-vingt-dix-sept gourdes décaissées pour les festivités carnavalesques de février 2007 et la valeur dépensée sans pièces justificatives pour la subvention des restaurants et cantines populaires.

Par Jacques Desrosiers, Le Matin du 25 mars 2009

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