jeudi 26 mars 2009

HAITI / LA FAIM

De nombreux Haïtiens peinent à se nourrir un an après la crise alimentaire

Gonaïves. Un an après le début de la crise alimentaire marquée par des émeutes de la faim en Haïti, une grande partie de la population éprouve toujours la plus grande difficulté à se procurer des denrées de base dont les prix restent très élevés. « Les aliments restent trop chers surtout pour ceux qui habitent en ville », souligne Marie-Lourdes Isariel, une habitante des Gonaïves, situé au nord d’Haïti, touchée successivement en 2008 par la crise alimentaire ainsi que quatre cyclones et tempête meurtriers.

Cette petite commerçante, âgée de 30 ans, n’a plus d’emploi et amène ses enfants à la cantine d’Action contre la Faim (ACF) du quartier pauvre de Jubilé. « Je n’ai pas les moyens de leur donner à manger, la bouillie qu’ils reçoivent ici est leur seul repas quotidien », murmure-t-elle devant les yeux élargis par la faim de ses trois jeunes enfants. Mme Isariel fait partie des 70 % d’Haïtiens vivant avec moins de deux dollars par jour. Or, le prix d’une marmite de riz pour sa famille représente environ cinq dollars.

« Aux Gonaïves, nous ne sommes plus en phase d’urgence et nous avons mis un terme aux distributions massives de nourriture », explique à l’AFP Jean-Pierre Mambounou, responsable du Programme alimentaire mondial (Pam) dans la région. « Nous privilégions désormais les distributions sélectives à travers notamment les 21 cantines d’Action contre la Faim dans la ville et le paiement de travaux d’intérêt général pour permettre à certaines familles en difficulté d’acheter de la nourriture. »

ACF espère pérenniser ses cantines où 11 500 rations sont distribuées quotidiennement à des enfants de moins de 5 ans, des femmes enceintes et allaitantes, mais l’organisation peine à trouver des financements. « Un an après le début de la crise alimentaire, la population haïtienne reste très vulnérable », constate Caroline Broudic, chargée de la sécurité alimentaire à ACF.

Particulièrement aux Gonaïves où les crises se sont cumulées. Des émeutes de la faim provoquées début avril 2008 par la hausse mondiale des prix des matières premières avaient fait en Haïti six morts, des centaines de blessés et provoqué la chute du gouvernement. Entre septembre et décembre 2008, « le prix du riz a baissé mais pas proportionnellement, ni à la très forte hausse d’avril à septembre, ni au marché international », commente Mme Broudic. La hausse du prix du riz de décembre 2007 à décembre 2008 atteint 51,8 % et celle du maïs moulu, autre aliment de base, 45,3 %, selon les statistiques nationales.

Vu son maigre budget, le gouvernement haïtien n’a pas pu contrôler les prix ou subventionner le riz comme au Liberia, autre pays très touché. Haïti est fortement dépendante des importations – contrôlées par un oligopole de familles haïtiennes – et de l’aide internationale et donc tributaire des fluctuations internationales.

Les besoins alimentaires de la population ne sont couverts qu’à hauteur de 43 % par la production nationale alors que 52 % sont couverts par les importations et 5 % par l’aide alimentaire. « Depuis un an, nous n’arrivons pas à survivre, nous sommes frappés très durement », explique Jeancilia Jean, mère sans domicile de quatre enfants aux Gonaïves. « Il faut que les plus riches à l’extérieur et dans le pays fassent baisser les prix pour nous laisser respirer. »

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