dimanche 16 août 2009

HAITI / SALAIRE MINIMUM

Les ouvriers s’acharnent : «200 goud tou swit»


Par Sylvestre Fils Dorcilus

Des ouvriers du secteur de la sous-traitance ont, une nouvelle fois, investi les rues de la capitale, lundi et mardi, pour obtenir du Parlement le rejet des objections du gouvernement contre la loi fixant le salaire minimum journalier à 200 gourdes.

Ce mardi, tout était au point mort au Parc industriel métropolitain. Aucune entreprise n’a fonctionné. Et ce sera le cas encore ce mercredi. Constatant que les mesures adéquates n’ont pas été prises « pour garantir la sécurité des employés et des entreprises, l’Association des industries d’Haïti (Adih) a décidé que les entreprises d’assemblage et de textile resteront encore fermées le mercredi 12 août 2009 ».

Cette décision de l’Adih fait suite à la quatrième manifestation émaillée de quelques scènes de violence organisée par des milliers d’ouvriers du Parc industriel en une semaine, soit du lundi 3 au lundi 10 août en cours, pour la promulgation de la loi portant leur salaire minimum journalier à 200 gourdes.

Mécontents de la séance déroulée à la Chambre basse, le 4 août dernier, une séance au cours de laquelle 55 députés ont voté en faveur du rapport de la commission Affaires sociales qui recommande un salaire minimum « médian de 150 gourdes », les ouvriers – supportés par des étudiants de la faculté des Sciences humaines de l’Université d’État d’Haïti (UEH) – ont regagné les rues de la capitale, lundi et mardi, et annoncé une mobilisation « illimitée » jusqu’à ce qu’ils obtiennent satisfaction.

« Nous sommes à nouveau dans les rues ce lundi pour continuer notre mobilisation entamée depuis une semaine. Nous voulons montrer aux patrons que ce ne sont pas les étudiants seulement qui sont capables de manifester dans les rues. D’ailleurs, nous sommes les victimes directes », ont déclaré des manifestants.

Se plaignant des conditions de travail jugées « pénibles » dans les usines et adoptant des attitudes moins pacifiques que lors des mobilisations antérieures, les ouvriers-manifestants n’ont cessé de crier à l’unisson tout le long de leur parcours : « Vive 200 gourdes ! À bas 150 gourdes ! Il faut que les patrons, le président Préval et les parlementaires prennent conscience de notre état lamentable ».

Arrestations, incendies de véhicules…

Les ouvriers, renforcés par d’autres secteurs de la vie nationale, dont les étudiants dans le cadre de leur mouvement, ont eu recours, lundi et mardi, à la violence et lancé des pierres et des tessons de bouteille en direction des forces de l’ordre (PNH et Minustah) à Delmas 33.

Ils ont par la suite dressé des barricades de pneus enflammés pour exiger, cette fois, la libération de deux manifestants interpellés au niveau du Parc industriel, dont un étudiant.

En fait, tout a débuté à l’intérieur de la Sonapi, vers les 7 heures du matin, quand les ouvriers – « à l’appellation de Guerchang Bastia, étudiant en 3e année de sociologie à la faculté des Sciences humaines, et Patrick Joseph, membre d’une organisation populaire dénommée « Komite pou remanbre Divivye » –, ont surpris leurs patrons respectifs en lançant une manifestation improvisée, en dépit d’un fort dispositif de sécurité mis en place par les forces de l’ordre.

Accusés de troubler l’ordre public, Guerchang Bastia et Patrick Joseph, incapables de s’identifier, ont été interpellés au Parc, a informé le commissaire de police de Delmas, Carl Henry Boucher. Ils étaient vite conduits au commissariat de Delmas 33, avant d’être confiés, quelques heures plus tard, à la justice pour les suites judiciaires.

Une décision qui a provoqué l’ire des manifestants qui ont tenté de force, mais vainement, d’obtenir leur libération. Car une fois auditionnés au parquet de Port-au-Prince – par le substitut du commissaire du gouvernement, Félix Léger –, les deux accusés ont été transférés au Pénitencier national.

Lundi, aux environs de 11 heures, alors que la tension montait à Delmas 33 dans les parages du commissariat, un vent de panique régnait parallèlement à l’avenue Christophe. Deux véhicules d’État (un bus Hyundai de la Direction générale des impôts et une Toyota Land Cruiser du parquet) ont été incendiés dans la foulée, non loin de la faculté des Sciences humaines.

Les pare-brise de plusieurs véhicules privés, dont celui du service du chargé d’Affaires de l’ambassade des États-Unis en Haïti, Thomas C. Tighe, ont été endommagés à coups de pierre à Delmas 33. Un policier a été également touché au bras.

Ce mardi, en dépit de la fermeture du Parc industriel, la situation n’a pas été différente. En effet, les ouvriers et les étudiants avaient regagné les rues, avec le même leitmotiv : « le maintien du salaire minimum journalier à 200 gourdes tel que voté initialement par les deux Chambres ». Les manifestants ont lancé un ultimatum de 24 heures au président René Préval et aux parlementaires pour qu’ils retournent sur leur position et « éviter le pire ».

Les agents de différentes unités de la Police nationale d’Haïti (Udmo, Cimo, Bim...) secondés par les soldats de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (Minustah) ont dû intervenir, en faisant usage de grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants. Cependant, aucun incident majeur n’est à déplorer.

Rappelons qu’il est prévu, ce mercredi, à la Chambre basse, la reprise de la séance du mardi 4 août, à laquelle une vingtaine de députés reprochent des vices de procédure. Cette fois, le vote, a-t-on annoncé, se fera autour de l’adoption ou non des objections du président de la république, René Préval.

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